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Qu’est-ce qu’une addiction ? La vulnérabilité des jeunes aux addictions.

les adolescents face a l'addiction
Temps de lecture : 9 minutes

Entretien avec Stéphanie Bouchenot, médecin addictologue.
La tentation des “paradis artificiels” et du monde virtuel à l’adolescence.addictions chez les jeunes-entretien avec S.Bouchenot

Tout le monde y passe, par cette période d’adolescence ! Et c’est pas forcément facile de grandir ! Changements majeurs de tous ordres, sollicitations multiples, instabilité des émotions, amélioration des capacités cognitives, ouverture sur la société, tout ce méli-mélo de bouleversements et de découvertes peut devenir terriblement angoissant. Certains adolescents vont se sentir en insécurité profonde, souffrir de cette perte de contrôle, chercher des “paradis artificiels” ou des “paradis virtuels”.

A partir de quand ce comportement devient-il inquiétant ? Que faire ? Qu’est-ce qu’une addiction ?
Réponses par le dr Stéphanie Bouchenot.

Ce seigneur visible de la nature visible (je parle de l’homme) a donc voulu créer le paradis par la pharmacie, par les boissons fermentées, semblable à un maniaque qui remplacerait des meubles solides et des jardins véritables par des décors peints sur toile et montés sur châssis.

Charles Baudelaire. Les Paradis artificiels, le goût de l’Infini.

ça m’prend la tête !…. un p’tit joint ?

Bonjour Stéphanie,
Bonjour Laure,

PLB : Brièvement, votre situation ?

SB : Je suis médecin dans un centre de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), structure qui existe dans tous les départements. Nous sommes une équipe pluridisciplinaire, éducateur, assistante sociale, psychologues et médecin pour accompagner,
soigner les personnes en situation d’addiction. Les produits psychoactifs le plus souvent utilisés dans ma pratique sont l’alcool, le tabac, le cannabis.

Clarifier ses positions

PLB : “Un p’tit joint ?” La récurrence et la banalité de cette proposition soumise à nos chères têtes blondes doit-elle nous alerter davantage que de partager une coupe de champagne lors d’une fête familiale, ou fermer les yeux devant 1 à 3 cigarettes par jour ?

SB : Cette question, les parents doivent se la poser. Les adultes peuvent déjà faire le point sur leur propre rapport au produit pour mieux envisager le rapport que le jeune entretient avec une substance.
Un ado est une personne en pleine construction physique (neurologique), et  psychique. C’est un « terrain » différent d’un adulte déjà « fini » ! Les conséquences des consommations de produit psychotrope sont plus importantes chez un adolescent, en pleine « formation ».
La question pose aussi le problème du rapport au produit : simple expérience, usage chronique, usage abusif voir dépendance.

L’OMS (organisation mondiale pour la santé) donne des repères pour les consommations d’alcool ;
chez un adulte : 2 unités d’alcool par jour chez une femme, 3 unités pour un homme, avec un jour d’abstinence par semaine, et 4 unités par occasion (fête) sans se mettre dans une situation à risque.
Voici les équivalents d’une unité d’alcool :

unites-alcool-hommes-femme-ados-addictionss

Chaque être humain est unique

addiction-developpement-personnel-jeunesPLB : Sommes nous tous égaux, biologiquement, devant le risque de dépendance ?
SB : La réponse est simple : Non, nous ne sommes pas égaux.
Regardez, certains fumeurs s’arrêtent sans problème tandis que d’autres n’y arrivent pas. Question de volonté ? Non, de nombreuses études suggèrent l’implication du gène codant le récepteur D2 dans le système de récompense et la vulnérabilité aux addictions. Un terrain génétique intervient donc pour une part.

PLB : Est-on prédisposé à certaines addictions plutôt qu’à d’autres ?
SB : Je ne sais pas. Mais dans mon expérience je peux noter que chaque personne va trouver le produit qui le soulage, et qu’il sera « accro » à celui là. Je rencontre un certain nombre de personnes qui ont touché à beaucoup de types de produit, et qui s’arrêtent sur un, comme si c’était la pièce du puzzle qui manquait pour aller bien. Hélas, cela va être la solution pour un temps, puis la substance prenant « le pouvoir » sur la personne, cela ne sera plus la bonne solution.

PLB : Une expérimentation peut-elle être sans danger ?
SB : On peut dire oui, mais on ne peut pas prédire à quelle substance on sera addict.  Alors à chaque expérimentation, c’est “un coup de roulette russe”. Bon, sans dramatiser, mais il faut en être conscient. Il ne faut pas oublier que l’expérimentation peut être néfaste. Le cannabis peut entrainer des bouffées délirantes, et sur un terrain prédisposé, précipiter le jeune dans une maladie schizophrénique. L’héroïne peut entrainer une overdose…L’alcool un coma éthylique…

L’adolescence, période complexe, est vulnérable

PLB : Les adolescents sont-ils particulièrement vulnérables face à l’addiction ?
SB :  Oui, cette période de la vie, est une  période de grands bouleversements. Les nombreux remaniements pubertaires vont modifier les relations de l’adolescent avec les autres, et avec lui-même. Les vulnérabilités des personnalités se révèlent souvent à cette période; la fragilité de l’adolescence se situe dans la recherche de nouveauté, de prise de risque, l’éventualité d’un comportement antisocial, une grande émotivité, les troubles de l’humeur, anxieux et/ou dépressif.

Une addiction est un comportement qui met en jeu une personne avec sa génétique, son psychisme, dans un environnement particulier, avec un produit particulier. Ces trois éléments interviennent dans la mise en place d’une addiction, et devront être pris en compte pour l’accompagnement.
Pour les ados, l’environnement prime : l’attachement au groupe de copains est important dans l’expérimentation. Egalement dans la poursuite de ce comportement, si c’est la façon de vivre du groupe. Le schéma résume bien ces liens.

Quels sont les risques de dépendance ou d’addiction face aux nouvelles technologies ?

PLB : Stéphanie, le terme «addiction» s’est maintenant généralisé. On parle d’ «addict» dans de multiples circonstances (travail, sport,,,). Les comportements addictifs, pour beaucoup suscités par les nouvelles technologies, sont-ils bien nommés ? Quel en est le processus ?
SB : Ce terme est certainement utilisé avec excès. L’addiction signe pour nous une maladie, celle de la dépendance. Il faut revenir à la définition pour savoir si oui ou non le comportement que l’on a avec les nouvelles technologies relève de l’addiction. Une personne qui passe 20h/24 devant un écran, qui mange peu, qui ne se lave plus, qui ne sort plus…alors, certainement, il y a quelque chose de pathologique;  une aide doit intervenir.
Il y a un support neurobiologique à ce comportement. Il faut rechercher le sens du comportement afin de découvrir ce qu’il cherche à soigner, à éloigner, à éviter. Il faut bien penser que c’est le comportement qui compte plus que l’objet du comportement.

Web et réseaux : la révolution de notre société balaie t-elle les paradigmes essentiels de notre développement ? Une prise de conscience est nécessaire pour s’y adapter.

addiction aux reseaux sociauxPLB : L’écran s’impose. Le net est devenu source de croissance en constante augmentation, incontournable pour l’économie de nos sociétés de consommation. L’ére du smartphone génère un monde constamment branché où la notion même de séparation n’existe plus. Alors que l’adolescence est un départ, pensez-vous que cette absence de l’absence favorise une recherche d’évitement ?

SB : Oui, il y’ a sûrement quelque chose de cet ordre. L’adolescence est une nouvelle période de séparation, une période de perte afin d’aller vers un ailleurs à construire. Il faut donc que l’ailleurs soit enthousiasmant…Cette question de permettre la séparation se pose aux parents, et à la société.
Personnellement, je ne rencontre pas de jeunes qui souffrent d’une réelle addiction (au sens médical) à l’écran ou aux réseaux sociaux; sans doute que cette problématique n’est pas encore bien repérée, et l’accès à un soin n’est pas encore perçu comme possible.

PLB : Le phénomène addictif chez l’Homme n’a rien de nouveau. Y’ a t-il pourtant des moyens de lutter, des règles à respecter, des interdits à ne pas franchir, des modes de vie plus adaptés que d’autres ?

SB : Pour vivre l’Homme a besoin de sens, de limites, de rythmes et de repères, mais aussi, paradoxalement, il aime jouer avec. Jusqu’à parfois aimer jouer avec la mort. Il n’y a pas de recette miracle… privilégier le sens qu’on donne aux choses, la communication, une certaine structure, peut aider. Cependant, comme je vous l’ai dit, nous ne sommes pas tous égaux; chaque réponse au mal-être est donc particulière.

PLB : Sommes-nous dans une société éminemment addictive ?
Je pense que oui, mais je ne suis pas suffisamment compétente pour vous donner des arguments. On sait bien que la consommation peut-être addictogène, la course à la réussite, à la perfection,,, Tous ces déséquilibres nuisent à l’estime de soi et introduisent des fragilités, des désordres psychiques ;  ils peuvent alors amener à une fuite, un désir de s’échapper,….

Accompagner, encore et toujours …

PLB : Vous appuyant sur votre expérience, auriez-vous des conseils, ou un message à donner aux jeunes ? A leurs parents ?

SB : Tout est une question d’équilibre et d’accompagnement.
On ne peut pas tout épargner aux jeunes, ils ne peuvent pas ne pas faire des expériences pour se différencier de l’adulte. Alors que faire ?
Donner des repères de dangerosité des produits, mais aussi la force de savoir dire non aux sollicitations; avoir suffisamment confiance en soi, une bonne estime de soi pour oser dire non, et parfois s’affranchir du regard du groupe.
Eveiller les jeunes à ce qui se passe autour d’eux pour diversifier leurs points d’appui;  les jeunes peuvent ainsi grandir plus étayés.
Et surtout garder le contact, malgré tout. En dialoguant, le jeune avancera dans la compréhension de son comportement. Quelque fois les sanctions de justice permettent ce coup d’arrêt.
Pour les jeunes je les invite à regarder le sens de cette consommation dans leur vie «  A quoi cela me sert-il ? »

Pour les parents, l’entrée dans la compréhension de cette pathologie, (je parle du stade de l’addiction), nécessite de sans cesse se dire que c’est au-delà du comportement qu’il y a quelque chose à comprendre pour le jeune; un trouble anxieux ou dépressif par exemple. Qu’il faut s’attaquer au comportement, au produit, mais qu’il y a une personne avec une souffrance qui demande à être entendu. Quelle souffrance est donc à l’origine de ce comportement ? Un conseil, ne pas rester seul avec cette difficulté, demander de l’aide pour vous-même, pour mieux comprendre votre jeune, et passer le relais à des professionnels en qui vous avez confiance, pour accompagner avec vous cette période de vie de votre jeune ado. Dans les CSAPA, (Centres de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie les jeunes de 16-25 ans sont prioritaires dans la prise en charge, ils passent avant tout le monde ! Une chance à saisir. Et puis il faut être patient, le temps fait aussi son œuvre. Rien n’est définitif.

Et puis garder la joie ! Les jeunes ont besoin de sentir que la vie vaut le coup d’être vécue, avec et malgré, toutes les épreuves ou séparations qui se mettent en travers !

Merci, Stéphanie ! Beaucoup de joies présentes et à venir !

Propos recueillis par Laure de Balincourt

Pour davantage d’informations, L’Académie des Sciences a publié en janvier 2013 son avis sur “L’ Enfant et les écrans”.
Parfois fataliste, cet avis veut s’interroger sur l’incidence cruciale des enfants exposés aux écrans numériques, sur les risques de dépendance face aux écrans, sur l’impact de cette mutation dans les relations enfant-adulte, sur sa place dans l’apprentissage et la transmission des savoirs, sur les avantages et les inconvénients de cette nouvelle culture.

Vous pouvez télécharger le fichier L’enfant et les écrans.pdf ici.

avis academie des sciences sur lenfant et les ecransExtrait : “L’émergence foudroyante du monde numérique et de ses écrans omniprésents suscite des sentiments aussi intenses qu’ambivalents. À l’inquiétude liée aux risques de dépendance ou d’infantilisation, se conjugue l’ enthousiasme pour ces extraordinaires outils d’apprentissage et d’échange d’information. L’enfant et l’adolescent, dotés d’un cerveau en plein devenir et d’une adhésion inconditionnelle à ces outils, sont au cœur des usages et des risques éventuels. Parents, éducateurs, chercheurs, comment pouvons-nous gérer cette ambivalence ?

Réfléchissant à la structure et aux contraintes du cerveau humain, à la plasticité de celui-ci pour se modifier en fonction des expériences vécues et engranger des contenus, nous parviendrons peut-être à comprendre cette ambivalence. Pourquoi la fascination irrésistible de ces outils cachés derrière leurs écrans ? Comment en exploiter au mieux le potentiel ? Pour quelles raisons des dérives tragiques se produisent-elles parfois chez les jeunes ?”

L’enfant et les écrans, un Avis de l’Académie des sciences, rédigé par  Jean-François Bach, Olivier Houdé, Pierre Léna et Serge Tisseron (Editions le Pommier 272 pages – Prix : 17 €)

Autres documents :

Synthèse sur “L’addiction et les adolescents” par le Docteur William Lowenstein.

Slides sur les addictions et les adolescents en cliquant ici.

Nous vous recommandons également la lecture de “petite poucette”, dernier ouvrage de Michel Serres, aux éditions “Le Pommier”; un pur délice !

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